Une nuit à la Plaine

 Selon le rituel, tu commences par l'apéro au Petit Pernod, les calamars chez Gilda, les brochettes de foie chez BK, une, deux bouteilles à Plus Belle La Vigne, des vins nature à la Passerelle, des bières et billard au bar de la Plaine, un baby-foot au Champ de Mars et puis débute la tournée des Grands Ducs, les prestigieuses boîtes du quartier : le fameux New Palace où le portier édenté filtre avec suspicion les clients, semble hésiter pour généreusement autoriser l'entrée triomphale dans le night-club toujours désert, le Roxana truffé de flics en goguette et enfin le pic incontournable de la nuit, l'Arraché, ses videurs blacks au gabarit de catcheurs; son patron à l'inamovible bonnet marin, disc-jockey nostalgique, repasse sempiternellement sur une platine grésillante les tubes de Ray Charles et Bill Haley.

 " What I say ? Pas grand chose " dis-tu dans le brouhaha, le suintement de l'ennui et de la sueur parmi les regards tristes, les désirs inassouvis, la foule solitaire.

C'est bondé et rock around the glauque.

Si une bagarre se déclenche et les tables volent par-dessus ta tête, reste serein, appécie l'animation joyeuse.

  Tu sors, que la fête continue !

Tu te trémousses au Godjo, ses rhums dérangés, dans la Caverne d'une ruelle obscure, tu écoutes le Gwo Ka à l'Ostau Marselhès, violon et bodhran irlandais chez les marocains, la tarentelle chez les turcs, l'oud chez les corses, le reggae chez les arméniens.

Tu titubes et tombes sur le dos comme une tortue, te relèves et cherches ta voiture au- milieu des camelots du marché.

C'est déjà midi : rentre à la maison.

Où est-ce ? Là bas.... là haut au pied de la Bonne Mère.

Elle te sourit et murmure : " cette nuit d'ivresse, comment se fait-ce ?

 Ce soir, sois sage, promis ? Dodo... l'enfant do ".

18 heures

 " Allo, Pedro, ça te dirait un ptit vin bio ? ...