Au Bar de l'Avenir

Publié le par jonzeroad

   J'ai 81 ans, une retraite minable.
 Ma femme toute menue s'est fait faucher dans la rue le sac à provisions et le porte-monnaie avec 12 €.
Ah, quelle misère, je désespère!
Alors je me réfugie au bistro, aux bistros, plusieurs d'affilée discrétos.
Ptêt ainsi personne remarque que j'suis qu'un poivrot.

  A 7 h du mat, j'me lance au pastaga puis aux demis.
 Mon accent parigot fait marrer tout le monde, on me surnomme l'estranger du dehors.
 - je ne suis ni parigot, ni breton, j'suis qu'une merde...
 Mais faut pas me faire chier, j'me déguise en parfait supporter de l'O.M, le survète bleu et blanc, la casquette droit au but.
Je soliloque dans le brouhaha et la fumée :
- alors, on va la gagner cette coupe de la ligue, c'est sûr!
puis je termine mon 4ème verre et file vers un autre bistro pour poursuivre mes commentaires techniques sur le dernier match et envisager le remplacement d'Anigo avec d'autres spécialistes du zinc...euh...de la pelouse, boire même de la perlouze.
Ma vieille, derrière son dos, j'l'appelle la vieile taupe mais quand elle vient au bar, j'lui glisse suave :
  - chérie, t'as acheté le pain, t'as fait pisser le caniche?
Quelquefois, je glisse en loucedé des propos racistes après avoir fait la bise à des collègues magrébiens ( sic, hic...)qui ne font pas la fine gueule avec mes joues rêches,mes dents pourries, mes ongles jaunis par le tabac, ma propreté douteuse, ma sale tronche dégueulasse.
Je me vante parfois d'être encore vert, d'avoir une virilité étonnante, ma salacité égrillarde fait bidonner.
Je décris les multiples options de ma bagnole de 15 briques que dégun a vue , d'ailleurs on m'a retiré le permis pour alcoolisme.
 A la supérette, je lance de fines vannes en reluquant le corsage de la fromagère:
 - Mounette et Kikette vont au resto, qui cé ki paye?
 - c'est Mounette, elle répond au hasard.
 - pourquoi?
- ben...
- parce que que Kikette est raide, et je pouffe comme un phoque.
L'aprème, j'me plante avec ma vieille devant la téloche: l'inspecteur Derrick, la croisière s'amuse, les chiffres et les lettres, ,la roue de la fortune, toutes les conneries des chaines.
Puis on bouffe, la télé toujours allumée, la bouteille de jaja se vide.
 Bref, on s'emmerde de longue, la vie passe, la nuit tombe.
 Enfin, on se couche épuisés, écrasés par l'ennui et le manque de pognon.
 Heureusement demain sera un autre jour.

Vivement demain!
à 7h je carbure mon premier jaune et d'autres,et des rencontres joyeuses avec les collègues: le gandin inutile, le vieux couple usé, le cantonnier jovial, le boulanger éreinté, le livreur de moutons, le taxi, le tapeur de cigarettes, la galinette ahurie, le dépressif chronique, le voyou ventripotent, le béquillard, le pervers chauve, l'homme silencieux au portable muet, le grincheux, le prince du tombé du camion, le clodo, la pute sur le retour, le boucher comorien, le turfiste au kyste telle une couille derrière la nuque, le chibani, les tristes, les malades, les empégués, le fada, l'éternel garçon de courses PMU et loto, les joueurs de contrée hurlant, les tonitruants, les marchands ambulants, les roumégueurs, les solitaires...

Vivement après-demain.
Tout sera possible.
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