Chérie je t'aime, chéri je t'adore

Publié le par jonzeroad

   Je suis un fransaoui moche, la couperose vineuse, le nez turgescent tel un vieux bouchon de liège, 65 balais.

J'étais neurologue à Paris et Rabat. C'est mon deuxième mariage avec une marocaine, je me suis converti à l'islam il y a vingt  ans mais je crois surtout au dieu  Argent .

J'engueule en permanence mon garçon de trois ans,  le traite de turc  au resto pendant le déjeuner, m'enfilant ma bouteille de Guerrouane rosé plantée dans un seau à glace ramadanesque .

Enfin mon épouse arrive, poussant un bébé dans un landeau, elle est belle ma jeune femme bidaouia, éclatante de ses 30 ans. Elle lève les yeux d'ennui, elle jeûne ...

C'est le grand partage de l'amour : elle m'aime, moi je m'aime ... safi !

 Je baragouine quelques mots arabiques avec le serveur, je regrette le temps du protectorat, du mépris de l'indigène.

C'est plus comme avant du temps de Hassan II , y'a plus autant de restaurants ouverts pendant le ramadan. Le nouveau roi exagère avec la moudawana et autres nouveautés. Ah, le bon vieux temps du protectorat,  des colonies !

" Fais moi du couscous, chérie... "

J'adore Liautey, le pacha El Glaoui, De Gaulle et Sarkozy.

Rachida Dati, quelle classe, quelle docilité !

 

   Hajja, 60 ans, foulard bleu, caftan bleu, pantalon bleu, babouches assorties, est la patronne du  Mandarin Bar.

Elle fume force Winstons que lui allume empressé le jeune serveur. Il lui verse des verres d'eau fraîche, son petit mirliflore aux cheveux frisés, gominés. La barmaid au décolleté généreux sert  bières à profusion.

La télé hurle ,  match de foot de la République Centre-africaine  contre le Maroc : 0 / 0 .

Hajja,  veuve digne et riche, a hérité de son mari ce bistrot, alors elle amasse  sans état d'âme le pognon . 

Elle caresse furtivement les épaules de  son mignon, effleure le col de sa chemise et ses biceps.

Elle rajuste son attelle plastique à la cheville et du coin de l'oeil donne les instructions pour refuser les clients titubant.

 

   " Chéri je t'aime, chéri je t'adore

     como la salsa de pomodore

     tu m'as allumée comme une allumette

     et tu m'as fait perdre la tête " .

 

Publié dans o bladi - o blada

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